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Les tissus transbronzants sur le grill

santé 25 Jun 2016 Actualités

Cela fait quelques années qu’on pouvait trouver des articles, essentiellement des maillots de bains, présentés comme étant « transbronzants ». Mais jusqu’à l’an passé, les produits demeuraient chers et les allégations du type « permet de bronzer tout en stoppant les rayons nocifs du Soleil » ou « procure un bronzage durable, doré et sans risque pour votre peau » étaient rares.

Mais cette année, un cap a été franchi : le magazine « Que choisir » consacre une pleine page au sujet dans sa dernière livraison (datée de juillet 2004) ; taper « transbronzant » dans Google © laisse apparaître près de 400 adresses de serveurs web pour se procurer ce tissus « révolutionnaire ». Et pas des moindres puisque sont de la fête tous les grands vépécistes, y compris comble du paradoxe, celui bien connu de la mutuelle des enseignants, lacamif.fr pour ne pas le citer.

Les prix ont été revus à la baisse et l’on peut craindre maintenant un certain succès tant du produit que du discours qui l’accompagne. Et c’est justement là que le bât blesse. Bien sur, il y a en quelque sorte tromperie sur la marchandise. Ces tissus ne sont pas aussi « transbronzants » que leurs promoteurs ne le laissent penser. A ce titre, il est intéressant de constater qu’aucun ne présente de photos comparant les bronzages obtenus avec et sans le tissus magique.

Sans doute le résultat n’est-il pas si probant, car s’il l’avait été, nous pouvons parier, y compris notre chemise, que la publicité aurait montré l’absence de traces de bronzage en gros plan plutôt que des photos de mannequins, jolies certes, mais si banalement vêtues des maillots proposés. Cela étant, même si évidemment, ces tissus stoppent une bonne partie des UVA (encore heureux !), il n’en n’est pas moins vrai qu’ils présentent une filtration déséquilibrée des UV.

Ils stoppent l’essentiel des UVB alors que simultanément ils laissent passer des quantités significatives d'UVA. En fait, ces textiles font exactement l'inverse de ce que l'on demande aujourd'hui à une bonne protection solaire (y compris cosmétique), c'est-à-dire de filtrer tant les UVB que les UVA...

Mais le mal est aussi dans le discours, dans l’argumentaire de vente. On nous dit en substance : « Bronzez en sécurité, notre tissus stoppe les méchants UVB brûlants et laisse passer les bons UVA bronzant ». Cela ne vous rappelle rien ? Si ? Le discours sur les UV d’il y a 20 ans, une époque où effectivement les scientifiques pensaient les UVA inoffensifs parce que moins énergétiques que les UVB.

Or cela fait maintenant une bonne dizaine d’année, et l’Académie de Médecine vient de le rappeler pour la n ème fois dans son rapport « Soleil et santé » publié le 4 mai dernier, que les UVA pénètrent plus profondément dans la peau et créent des dommages sur les cellules de la couche basale de l’épiderme entraînant vieillissement et risques de cancer. Sur le site web d’un de ceux qui ont mis leur griffe sur cet extraordinaire tissus, les bornes sont passées allègrement et on ne distingue plus les limites de la légèreté et de la mauvaise foie.

On y trouve par exemple, en bonne place : « Peau bronzée, moral d'acier. Le soleil est bénéfique pour notre moral et agit comme un antidépresseur naturel… » C’est pas faux sauf que le tissus n’y est absolument pour rien puisque l’effet antidépresseur du Soleil est dû à sa composante visible (pas à ses UV), reçue par les yeux et non par la peau. « Le soleil est aussi un régénérateur cellulaire. Il favorise le processus cutané spontané qui remplace les cellules usées par de nouvelles cellules. »

Cela est tout à fait vrai par contre. Mais la « traduction » de cette phrase est que le Soleil contribue à faire disparaître le bronzage puisque les cellules « usées », mortes même pourrait on dire, potentiellement chargées de mélanine sont remplacées par de nouvelles cellules qui arrivent des profondeurs de l’épiderme. Autre information mise en avant par le fabricant : « Nous avons travaillé en partenariat avec l'inventeur et plusieurs organismes et laboratoires…[dont] Le professeur Cesarini chercheur à l'INSERM, cancérologue, photobiologiste.

Il a présidé l'association "Sécurité Solaire" fondée en 1994… ». Cesarini n’est pas Professeur mais Docteur. Il a, dans le cadre d’activités d’expert, été amené à tester la filtration UV d’un grand nombre de textiles sur demande de nombreux industriels, sans pour autant les cautionner ou les recommander.. Aucun partenariat de quelque nature que ce soit n’a jamais été signé avec aucun d’entre eux. Son nom et celui de l’association Sécurité Solaire sont cités sans son autorisation et présentées scandaleusement comme des cautions du produit

« En janvier 2000, l'IFOP et la sécurité solaire menaient une étude auprès de 500 consommatrices de plus de 15 ans sur leur comportement au soleil. Elle révélait notamment que 36% des sondées attendent, en terme d'amélioration produit, un maillot au travers duquel elles peuvent bronzer. ». Encore faux ! En janvier 2000, l’IFOP et la Sécurité Solaire interrogeaient non pas des consommatrices mais un échantillon représentatif des Français.

Aucune question ne portait de près ou de loin sur des maillots ou vêtements quelconques. Voilà qui ne redorera ni le blason du web comme source fiable d’information, ni celui des fabricants et distributeurs de ces produits qui seraient bien inspirés d’être un peu plus attentifs et scrupuleux, lorsqu’il s’agit de diffuser des messages de santé.

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