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La protection solaire des jeunes enfants : Entretien avec Pierre Cesarini, Directeur délégué de l’association Sécurité Solaire

petite enfance famille santé se protéger collectivités 06 Aug 2025 Actualités

Il a été prouvé par de très nombreuses études que la répétition de coups de soleil pendant l'enfance était la première cause de mélanome (le cancer de la peau le plus dangereux) à l'âge adulte.

Une seule brûlure sévère peut même doubler le risque de développer un mélanome 10 à 15 ans plus tard. Il est donc essentiel de prévenir les coups de soleil dès le plus jeune âge pour minimiser les risques futurs de cancers cutanés et de vieillissement prématuré de la peau.

Dans cet entretien, Pierre Cesarini, Directeur délégué de l'association Sécurité Solaire, partage son expertise sur la protection solaire des bébés.

entretien pierre cesarini

En 2025, est-il encore utile de sensibiliser les jeunes parents et les professionnels de la petite enfance aux risques que représentent les expositions solaires des bébés ?

Il semble que oui. Les évaluations des formations que nous dispensons aux étudiants et étudiantes du secteur de la petite enfance montrent qu'effectivement, il y a encore du travail à effectuer... Et puis, lors d'une enquête que nous avons menée en 2021, nous avons observé que les 18-35 ans étaient les moins bien informés au sein de la population générale, y compris lorsqu'il y a un ou plusieurs jeunes enfants au foyer. Cela étant, il ne faut pas exagérer non plus ! La situation a énormément évolué depuis le milieu des années 90. Nous avions, à l'époque, plus d'un Français sur 3 qui ignorait la dangerosité des coups de soleil de l'enfance. Un sur six pensait même que prendre des coups de soleil pendant l'enfance permettait "d'endurcir" la peau à l'âge adulte !

Que fait l'association pour pallier ce déficit d'information ?

De la sensibilisation et de l'information, notamment en encourageant à diffuser les prévisions d'UV dans les crèches. De la formation auprès des infirmiers et infirmières spécialisé.e.s en puériculture et des jeunes qui suivent des formations d'auxiliaires de puericulture, d'accueil de jeunes enfants. Nous avons signé d'importantes conventions de partenariat pour cela, avec l'Association Nationale des Puéricultrices Diplômées et des Étudiantes (ANPDE) et Crèches and Co au niveau national, ainsi qu'avec les ARS des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Centre-Val de Loire.

Quels vous paraissent être les principales idées fausses ou comportements qui posent problème ?

Cela me semble pouvoir se résumer en 3 points essentiels :

  • Trop de personnes confondent UV et chaleur ! Or, ce n'est pas parce qu'il fait frais ou qu'il y a des nuages qu'il n'y a pas d'UV.
  • Beaucoup pensent à la crème solaire comme protection principale ! Alors que la crème solaire est plutôt déconseillée pour les bébés par la plupart des dermatologues. Il y a un large consensus pour recommander, avant tout, d'éviter toute exposition prolongée des jeunes enfants, de garder les bébés à l'ombre et de les protéger avec des vêtements, des chapeaux à bords larges.
  • L'on sous-estime souvent la réverbération. En effet, les surfaces claires et brillantes (neige, sable, eau...) peuvent réfléchir les rayons UV et augmenter significativement les risques.

Vous conseillez de garder les bébés à l'ombre. Mais est-ce vraiment si efficace ?

Oui ! Garder les bébés à l'ombre est vraiment la première mesure de protection à adopter lorsqu'on est à l’extérieur. Même si c'est vrai que lorsque l'indice UV est élevé, cela peut ne pas suffire si l'abri est trop petit, trop peu occultant, ou si l'on se trouve à proximité de nombreuses surfaces réfléchissantes. Mais il existe des solutions simples : vous pouvez agrandir la surface ombragée, par exemple en accolant plusieurs parasols ; occulter davantage les UV en tendant une toile entre des arbres ou en choisissant un parasol anti-UV. On peut aussi réduire considérablement l'exposition au rayonnement réfléchi en inclinant le parasol en direction du soleil, ou en optant pour un parasol équipé de jupes latérales. Si l’on n’a pas mis en place ces mesures, il est recommandé de compléter la protection des bébés par des vêtements couvrants.

Ne conseillez-vous pas aussi le port de lunettes de soleil ?

Si, si. Mais avant tout, les bébés doivent rester à l'ombre, ce qui réduit considérablement la luminosité et l'exposition aux rayons UV. Le port d'une casquette est également une solution efficace pour protéger leur visage. La difficulté avec les lunettes, c'est qu'il peut être difficile de les faire porter à un bébé qui n'apprécie pas toujours et cherche à s'en débarrasser. Mais s'il les accepte, oui, le port de lunettes de soleil peut s'avérer un complément utile, surtout en cas de forte luminosité ou d'exposition prolongée, comme lors de randonnées ou de voyages en voiture. Il faut choisir des lunettes de catégorie CE 3, de forme enveloppante. Et ne pas chercher à leur faire porter toute la journée, au prétexte que c’est l’été. L’œil continue de se développer de longues années après la naissance, et il a besoin, pour cela, d’être exposé à la lumière naturelle sans filtre.

Faut-il protéger bébé du soleil en voiture ?

Oui, mais en voiture, il est surtout primordial de protéger les jeunes enfants de la chaleur, en surveillant leur température corporelle et en leur donnant régulièrement à boire. Fenêtres fermées, peu de rayons UV pénètrent dans la voiture, car le verre ou le polycarbonate filtrent les UV. Cependant, pour de longs trajets, si l'enfant est assis à côté d'une vitre, côté ensoleillé, il est recommandé d'utiliser un pare-soleil ou de faire appliquer un film anti-UV sur la vitre.

Faut-il appliquer ces conseils à tous les bébés ? Quelle que soit leur couleur de peau ?

Pour tout ce qui concerne la protection contre la chaleur et la protection oculaire, oui, sans aucun doute. Je ne connais pas d’études qui pousseraient à conseiller autre chose. On peut être un peu plus nuancé pour la protection cutanée, dans la mesure où les phototypes V et VI (peaux foncées) sont moins sujets aux cancers cutanés induits par l'exposition au soleil. Mais on le sait bien, les défenses naturelles de l'organisme mettent des semaines, des mois, voire des années à se développer. Les nouveau-nés, même issus de parents à la peau noire, présentent une peau claire... il va falloir attendre pour voir leur épiderme se charger de mélanine. Et c’est encore plus long pour voir ce même épiderme s’épaissir et apporter un surcroît de protection. Le bon sens veut donc naturellement qu’on protège du soleil les jeunes enfants, quelle que soit leur couleur de peau.

Vous évoquiez aussi les nuages. Qu’en est-il exactement ?

Les nuages réduisent l’intensité des rayons UV au sol, mais à l’exception des nuages très sombres et épais, ils ne les bloquent pas complètement. Certains types de nuages, comme les voiles nuageux d'altitude, peuvent même laisser passer jusqu’à 95 % des rayons UV, tout en réduisant la luminosité et la température. Cela peut donner une fausse sensation de sécurité, alors qu’en réalité, les UV sont présents et dangereux. Il est donc important de rester vigilant.

L’association que vous dirigez a été fondée, le siècle dernier, pour faire les premières prévisions d’UV. L’indice UV est-il un bon indicateur des risques de l'exposition solaire pour mon bébé ?

Oui. L’indice UV est une échelle qui a été conçue pour exprimer l’intensité des rayons UV et le risque qu’ils représentent pour la santé. Plus l’indice est élevé, plus l’exposition est dangereuse. Il est généralement conseillé de se protéger à partir d'un indice de 3, en particulier pour les peaux sensibles et les bébés. Il atteint son niveau maximum à la mi-journée, vers 14h en France hexagonale l'été. C'est cette valeur de l'indice qui est communiquée par les médias et sur beaucoup d'applications mobiles comme MétéoUV (App store et Play store).

Mais l'indice UV varie au cours de la journée. Par exemple, par beau temps, s'il atteint un niveau maximum de 8, ce qui est courant en France l'été, il dépassera 3 à partir de 10h du matin. Pendant l'été, il faut vraiment privilégier les sorties en début de journée, avant 10h ou après 18h. Au début du printemps et à la fin de l'automne, on peut sans problème sortir jusqu'à midi et à partir de 16h. En hiver, de novembre à février, le niveau d'UV reste faible toute la journée et ne présente pas de risque, excepté en montagne, bien entendu, où dès la fin janvier, avec l'altitude et la réverbération sur neige, le niveau d'UV va atteindre et même dépasser 3, de 11h à 15h.


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