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Les crèmes solaires, nocives pour la planète ?

santé 14 Oct 2017 Crèmes solaires

Par Marie-France Corre, ancienne responsable des essais à UFC-Que Choisir, aujourd'hui consultante en consommation et développement

Alors que les Français ne sont toujours pas bons élèves en matière de protection solaire malgré les messages de prévention des autorités sanitaires, du corps médical et… de La Sécurité Solaire, ils se trouvent désormais face à un nouveau dilemme : doivent-ils continuer à utiliser des crèmes solaires avec filtres chimiques, accusées de polluer l’environnement ?

Les crèmes solaires, nocives pour la planète ?

Ces dernières années, les preuves de la présence des filtres chimiques anti-UV dans l’environnement naturel se sont multipliées. Deux de ces filtres UV, le 4-méthyl benzylidène camphre (4-MBC) et l’octocrylène (OC) ont ainsi été détectés dans les lacs suisses à des concentrations de quelques milliardièmes de gramme par litre (ng/l) et chez les poissons qui fréquentent leurs eaux. En Suisses, ces mêmes filtres polluent aussi les rivières mais les truites y sont contaminées à des concentrations dix fois supérieures à celles des palées et gardons de lac. Si les filtres se retrouvent ainsi dans les cours d’eau et les lacs, c’est soit directement, lorsque les estivants se baignent, soit via les stations d'épuration des eaux usées, qui ne parviennent pas à éliminer ces filtres UV évacués lors de douches, bains ou lessive. Une étude menée en Norvège démontre que l’application de crème solaire par les estivants est bien à l’origine de la présence de plusieurs filtres solaires dans les eaux du fjord d’Oslo [1]. Enfin, du benzophénone, un absorbant UV utilisé dans de nombreux cosmétiques, a même été retrouvé dans de l’eau du robinet en Californie…

Problème : plusieurs de ces filtres chimiques possèdent des effets hormonaux, d’intensité faible mais qui représentent un risque potentiel pour les organismes aquatiques et la santé humaine du fait de leur capacité à s’accumuler dans les écosystèmes. D’autres substances chimiques possèdent des propriétés similaires, pesticides, additifs utilisés en plasturgie, résidus de médicaments … d'où un risque de cumul de leurs effets. On constate déjà chez des espèces de poissons contaminées un phénomène de féminisation. Malheureusement, les données sur l’état de pollution globale manquent puisque les filtres UV ne sont pas dosés lors des contrôles de routine. On estime en revanche que plusieurs milliers de tonnes de filtres UV sont déversées chaque année dans l’environnement, en particulier les océans.

Pour protéger la planète, les associations environnementales appellent donc les consommateurs à ne choisir que des crèmes solaires à base d’écrans minéraux. Au Mexique, les responsables des éco-parks marins de Xel-Ha et Xcaret vont même jusqu’à demander à leurs visiteurs de ne pas introduire sur le site de crèmes solaires, nocives pour la flore et la faune marine, sauf si elles sont "biodégradables".

Rappelons que la crème solaire s’applique en complément de la protection vestimentaire, pour se protéger et non pour s’exposer plus. En évitant de plus les expositions entre 12 et 16 heures (heure légale d’été en France métropolitaine), il devrait être possible, avec des quantités raisonnables de crème solaire, de protéger sa peau sans pour autant accabler la planète.


  1. J Environ Monit. 2008 Jul;10(7):894-8, Inputs of chemicals from recreational activities into the Norwegian coastal zone, Langford KH, Thomas KV.

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